Mercredis de la Coredem

Les Biens Communs, modèle de gestion des ressources naturelles

Sélection d’articles issus des sites participant à la Coredem et d’autres sites amis sur le thème des biens communs et des ressources naturelles.

L’enjeu des communs

Omniprésents dans la vie sociale, les biens communs sont souvent invisibles, voire consciemment détruits par la logique économique dominante. Silke Helfrich, dans Les communs sont le tissu de la vie, plaide pour une société de communs, basée sur la diversité, la coopération et les richesses partagées.

Le changement climatique met en lumière l’impasse à laquelle mène la civilisation dominante. Selon Cândido Grzybowksi (Biens communs et bien-vivre) constitue une opportunité pour changer de cap et mettre à l’ordre du jour la défense et le développement des biens communs dans tous les domaines, depuis l’environne- ment jusqu’à la culture, en passant par les villes.

Le prix Nobel d’économie a été décerné le 12 octobre 2009 à Elinor Ostrom, qui travaille sur les Communs, cette forme spécifique de propriété et de gouvernance qui place les décisions collectives des «communautés» au centre du jeu socio-économique. Comme le rappelle Hervé Le Crosnier (Une bonne nouvelle pour la théorie des Biens Communs), cette question des Biens communs a longtemps été ignorée par la science économique, par la politique et par les mouvements sociaux, mais elle est en passe de redevenir un «outil pour penser» majeur.

Commentant un ouvrage collectif sur les biens communs issu de réseaux latino-américains (Questions sur les biens communs), Alain Lipietz souligne l’enjeu de l’articulation des communs - compris comme un certain type de rapports sociaux, basés sur une logique de mutualisation - avec les rapports marchands et avec l’Etat.

L’opposition stéréotypée entre secteur public et secteur privé est de moins en moins adaptée aux évolutions du monde contemporain. Pour Pierre Calame, distinguer les différentes catégories de biens et de services et leurs formes de partage permet de s’interroger sur les modes de gestion les plus adaptés à la nature de ces biens, en fonction des valeurs et des objectifs qu’une société souhaite promouvoir (Les différentes catégories de biens et leur gouvernance, version longue ici).

Sur les terres et les forêts

Michel Merlet montre que la terre, parce qu’elle renvoie à un certain territoire, parce qu’elle abrite des ressources naturelles, recèle toujours une part irréductible de «commun». La propriété absolue de la terre apparaît donc comme un mythe nuisible, auquel il faut substituer l’idée d’un ensemble de droits de divers types sur la terre, associés à des formes de gestion commune des ressources (extraits de Politiques foncières et réformes agraires).

Très peu de politiques nationales ont cherché explicitement à renforcer la capacité de gouvernance locale et de gestion des biens communs. L’exemple historique du Mexique fait exception à cet égard, avec la forme de gestion originale issue de la révolution paysanne du début du XXe siècle, l’ejido, instauré pour la gestion des terres de la réforme agraire (extraits de Politiques foncières et réformes agraires).

Comme le montre Clara Jamart (L’Etat de Oaxaca (Mexique) : reconnaissance des droits indigènes et gouvernance locale des territoires), dans l’Etat de Oaxaca au Mexique, la reconnaissance de la culture et de l’autonomie des communautés indigènes et l’amélioration de la gouvernance des ressources naturelles sur leurs territoires sont deux objectifs indissociables.

L’outil de la cartographie participative a été mis à profit par de nombreuses communautés du monde, en particulier des peuples indigènes, pour défendre leurs droits au territoire et démontrer à la fois leur connaissance intime des ressources naturelles locales et leur capacité à les protéger. (Francisco J. CHAPELA, La cartographie, un outil pour défendre les terres des communautés indiennes en Amérique centrale)

Les achats massifs de terres dans les pays du Sud suscitent des dé- bats enflammés entre leurs détracteurs et ceux qui y voient des op- portunités de progrès agricole. Pour Michel Merlet, s’interroger sur la nature des droits de propriété peut aider à faire la différence entre investissement et prédation (Les phénomènes d’appropriation à grande échelle des terres agricoles dans les pays du Sud et de l’Est).

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Sur l’eau

La ville de Porto Alegre au Brésil est mondialement renommée pour la procédure de «budget participatif» que sa municipalité a mise en place à la fin des années 80. La gestion des services municipaux de l’eau et de l’assainissement constitue un autre modèle (d’ailleurs étroitement lié au précédent) de mise en oeuvre d’une gouvernance participative. (Olivier Petitjean, La gestion de l’eau, une autre facette de la démocratie participative à Porto Alegre)

La révolte populaire qui a éclaté en 2000 suite à la privatisation du service de l’eau à Cochabamba a fait de cette ville bolivienne un symbole mondial de la lutte contre les multinationales et contre la logique de marchandisation impulsée par les institutions financières internationales. Après la victoire initiale qui a conduit au départ de la multinationale concernée, le défi est désormais de construire une alternative viable, comme le montre Olivier Petitjean, La « guerre de l’eau » à Cochabamba.

L’un des problèmes récurrents des agences publiques de l’eau dans les pays du Sud, qui facilite d’ailleurs les critiques d’inspiration néo-libérale qui leur sont adressées, est l’absence de prise en compte politique des populations les plus pauvres, du fait de la différence de classe et de culture entre les agents publics et les communautés. Comme le raconte V. Suresh dans Au Tamil Nadu, le dialogue entre ingénieurs et usagers permet d’atteindre des résultats impressionnants, en Inde, des ingénieurs de l’eau ont vécu une expérience riche d’enseignement. Ils ont appris à travailler, à l’écoute, avec les usagers. Les passerelles créées ont mené à des améliorations impressionnantes de l’approvisionnement des plus pauvres en milieu rural.

Larbi Bouguerra montre dans L’eau, bien commun des communautés de l’espace arabo-musulman combien le combat pour l’eau bien commun dans l’espace arabo-musulman occupe aujourd’hui encore une place éminente.

Gaël Bordet raconte comment, dans la région de Valence en Espagne, le «tribunal des eaux», une structure d’arbitrage traditionnelle mise en place il y a plus de 1000 ans, continue de fonctionner au sein des communautés d’irrigants (L’expérience, en Espagne (Valence), d’un Tribunal des Eaux pour traiter les litiges entre agriculteurs).

La sécheresse de l’an 2000 en Inde a remis à l’honneur des savoir-faire anciens. Mais, rappelle Ina Ranson dans Faire face à la sécheresse. L’exemple du district Alwar dans le Rajasthan en Inde, il ne faut pas oublier que leur réintroduction n’est pas d’abord une affaire technique mais une question de démocratie dans la gestion du territoire.

Comme l’indiquent Isabelle Meiffren et Philippe Pointereau, la ville de Munich incite depuis 1991 les agriculteurs situés dans la zone d’influence des points de captage d’eau à se convertir à l’agriculture biologique. Au robinet des Munichois aujourd’hui, une eau pure et non traitée (Munich : le bio pour une eau non traitée).

Sur la pêche

Pour Alain Le Sann (La question de la surcapacité et des droits), sous prétexte de remédier aux problèmes de surpêche et de gestion des ressources halieutiques, la Commission européenne entend mener une politique de «modernisation» du secteur basée sur la privatisation des ressources, aux dépens des pêcheurs artisans et de leurs droits collectifs.

Comme le montre Menakhem Ben-Yami, les modèles dominants de gestion des pêches, notamment au niveau européen, sont fondés sur des schémas politiques, scientifiques et sociaux simplistes ( Politique commune des pêches : un modèle de gestion à remettre en cause).

Dans L’institution des prud’homies méditerranéennes, Elisabeth Tempier raconte comment l’institution prud’homale (du latin probi homines, hommes sages, élus par la communauté des pêcheurs) a traversé les siècles en s’adaptant avec plus ou moins de bonheur au contexte qui lui était proposé pour préserver l’activité artisanale de communautés de pêcheurs. Jusqu’au début des années soixante, les prud’homies, à qui était confiée la gestion des pêches sur leur territoire, répartissaient entre les membres de leur communauté les droits d’accès aux ressources marines et aux zones de pêche locales. Face au développement productiviste actuel, les prud’homies ont cherché à maintenir l’activité artisanale de leurs communautés.

En réponse au Livre Vert sur la pêche de l’Union européenne, l’Antenne Méditerranée du Collectif Pêche & développement et L’encre de mer vous proposent une réflexion collective à partir d’une vision de la pêche en 2020.

Sur les semences

Comme le rappelle Guy Kastler dans L’agriculture industrielle détruit la biodiversité et réchauffe la planète, L’agriculture paysanne renouvelle la biodiversité et refroidit la planète, l’agriculture industrielle et les multinationales semencières et agrochimiques ont une lourde responsabilité quant aux crises climatique et alimentaire que nous connaissons aujourd’hui. Les solutions qu’elles proposent pour y faire face, menant à toujours davantage de privatisation et de dépendance, ne feront qu’aggraver ces crises. Les paysannes et les paysans du monde offrent pourtant des solutions simples et efficaces pour répondre à la perte de biodiversité, au changement climatique et aux besoins alimentaires.

Petite révolution dans les campagnes françaises ! Quelques paysans, accompagnés de chercheurs, boulangers et autres citoyens, redécouvrent la diversité des blés. Ils les observent, sélectionnent, montrent, goûtent… Ils ont écrit «Voyage autour des blés paysans», un livre de témoignage. Voici celui de Florent Mercier, un des paysans qui cultivent à nouveau ces blés oubliés : Pourquoi des blés paysans ?.

La Révolution verte a détourné l’attention de l’agriculture indienne de la biodiversité vers une productivité accrue. Avec la modernisation de l’agriculture, les pratiques agricoles et les cultures ont changé, entraînant une perte de la diversité génétique. Pourtant ces variétés étaient par essence plus adaptées aux conditions agricoles locales, plus pratiques économiquement et durables écologiquement que les variétés à haut rendement utilisées aujourd’hui. Elles étaient aussi plus résistantes aux insectes nuisibles, aux maladies, aux sécheresses et aux inondations. Des initiatives voient le jour pour défendre et préserver les variétés trasditionnelles : CED, Les banques de semences communautaires en Inde.

Le monde de l’industrie chimique et semencière a développé une série de dispositifs juridiques et technologiques visant à prendre contrôle de la production de semences, et par là à mettre sous sa dépendance le monde agricole dans son entier. Pour Guy Kastler (Semences : les droits collectifs des paysans, des jardiniers et des communautés contre les droits de propriété intellectuelle), libérer la biodiversité cultivée de cette logique mortifère implique de remettre les paysans, leurs pratiques et leurs droits au centre du débat.

Voir aussi la sélection d’articles sur les semences paysannes sur le site dph

Sur la question des droits de propriété intellectuelle

Les dénonciations de biopiraterie portent sur l’appropriation par les pays du Nord des ressources biologiques des pays du Sud. Avec l’essor des industries biotechnologiques et la généralisation des dépôts de brevets sur des innovations industrielles portant sur des éléments du monde vivant, le débat sur le partage des avantages tirés de l’exploitation des resosurces génétiques a pris une grande ampleur jusqu’à devenir un point central des négociations de la Convention sur la diversité biologique, ainsi que l’indique Catherine Aubertin dans La biopiraterie.

Comme le montre Gaëlle Krikorian, dans L’accès aux médicaments compromis par les politiques bilatérales de renforcement de la propriété intellectuelle, le renforcement de la propriété intellectuelle dans le domaine de la santé, imposé par les règles de l’OMC et plus encore par les traités commerciaux bilatéraux négociés par les Etats-Unis, risque de compromettre toute possibilité d’amélioration dans le domaine de l’accès aux médicaments et de tuer ainsi dans l’oeuf toute politique de santé publique dans les pays du Sud.

Frédéric Sultan rappelle que la question des droits de propriété intellectuelle (DPI) est centrale dans le contexte des négociations internationales sur le climat, car le régime de production et de circulation des connaissances et de l’innovation pèsera sur les rapports Nord/Sud. Les négociateurs sont au pied du mur : poursuivre une logique de guerre économique ou bien défricher des nouvelles formes de coopération (Climat et droits de Propriété Intellectuelle, vers une innovation ouverte ?).